Les États généraux du communautaire dans les Laurentides : À la croisée des chemins

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Le Regroupement des organismes communautaires des Laurentides (ROCL) a rencontré ses membres pour les États généraux régionaux du communautaire les 25, 26 et 27 novembre 2014. C’est plus de cent personnes qui ont participé à la démarche de positionnement lors des assemblées à Sainte-Thérèse, Piedmont et Mont-Laurier.  « L’objectif de cet exercice amorcé depuis un an est de voir où nous en sommes comme mouvement. D’abord, issus d’organisations charitables, religieuses ou syndicales, les organismes communautaires se sont développés et sont devenus autonomes à partir des années ’80. En 2014, nous considérons que nous sommes à la croisée des chemins. Les états généraux visent à faire un portrait de notre réalité, à réaffirmer notre identité et à identifier des pistes d’action pour l’avenir » explique Benoit Larocque, agent de liaison au ROCL et membre du comité national. La démarche culminera par une grande rencontre nationale en mai prochain au terme de laquelle des orientations prioritaires seront adoptées.

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Vent d’austérité et impacts sur les organismes

Ces rencontres régionales arrivent à point dans un contexte de coupes gouvernementales généralisées. Les organismes communautaires qui sont en majorité sous financés sont alarmés par les annonces de compressions dans les services publics qui vont affecter les conditions de vie de la population, particulièrement des plus démunis. N’arrivant plus à obtenir de services dans le réseau public, des personnes en situation de grande vulnérabilité frappent à la porte des organismes communautaires. «C’est ce que nous appelons le phénomène de déversoir. Nous le vivons déjà depuis plusieurs années. Imaginez après les coupes massives qui tombent actuellement sur l’ensemble des services gouvernementaux! Cela crée une énorme pression sur les organismes » lance monsieur Larocque. Les déléguées renchérissent avec leurs propres exemples :

« On réfère chez PANDA Basses-Laurentides (organisme de soutien pour parents et enfants avec TDAH) des familles en attentes de voir un médecin pour un diagnostic, l’attente étant de plusieurs mois, les parents sont épuisés et démunis et ont de grands besoins de ressources pour éviter que leurs enfants décrochent de l’école ultimement… » Nathalie Pelletier, directrice.

« L’organisme L’Écluse coordonne les travailleurs de rue dans la région et on nous demande de l’aide pour effectuer des suivis en lien avec des problèmes de santé physique. Une fois passée la porte de l’hôpital, on laisse les personnes à elles-mêmes, sans soutien et c’est aux travailleurs de rue qu’on fait appel…ça na pas de sens ! » Émilie Rouleau, de l’Écluse.

« À l’Antre-Jeunes (organisme d’aide aux jeunes en difficulté) on accueille de nombreux jeunes du secondaire dans nos activités régulières et actuellement il y a une liste d’attente pour de nouveaux. De plus, on observe que les jeunes qui arrivent sont en grande détresse, avec des problèmes de santé mentale, sous médication, etc. » Stéphanie Gaussirand, coordonnatrice.

Pour les gens de la MRC d’Antoine Labelle, les inquiétudes sont multiples. Avec les restructurations en santé, ils vont perdre leur instance de proximité et craignent ne plus avoir le choix de leur établissement. Les conditions de vie sont difficiles et il y a beaucoup de pauvreté. « On est préoccupées de voir les demandes augmenter alors qu’on est déjà à la limite de notre capacité à offrir de l’aide alimentaire, on donne tout ce que l’on a… » Stéphanie Therrien  Centre communautaire Ferme-Neuve.

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Le réseau sous haute tension

Pour ajouter au contexte d’austérité, l’annonce d’une restructuration dans le réseau de la santé inquiète au plus haut point. « Avec le projet de loi 10, le ministre Barrette reproduit exactement la recette de la précédente réforme vécue il y a 10 ans : fusionner des établissements avec un objectif d’économie et d’optimisation des services à la population. Or, ça n’a pas marché. Depuis 2003, le nombre de cadre a augmenté de 30% et les services ne se sont pas améliorés. De nombreuses recherches et expériences vécues à travers le monde indiquent plutôt le contraire : il faut décentraliser le pouvoir et agir plus localement. La presque totalité des mémoires déposés en commission parlementaire vont dans ce sens. Qu’est-ce qui pousse le gouvernement à refaire la même erreur ?» s’interroge Benoit Larocque, dubitatif.

Un dénouement positif pour les organismes des Laurentides

Après avoir essuyé un refus du conseil d’administration de l’Agence le 5 novembre, le ROCL a appris, le 17, que le Cadre régional du Programme de soutien aux organismes communautaires serait finalement reconduit pour 5 ans. Un communiqué de presse dénonçant la situation, des démarches faites par des députés qui ont soutenu le dossier et un coup de fil du ministère ont réussit à faire changer l’Agence d’idée. Les organismes sont satisfaits et rassurés de voir la volonté de respecter les collaborations historiques se perpétuer. Le cadre de financement des organismes communautaires existe depuis 1998, adopté par la Régie régionale de l’époque après 5 ans de négociations avec les organismes communautaires. Il assure une collaboration et une distribution équitable des budgets.

 

Après 20 ans de collaboration, l’Agence largue les organismes communautaires

Stéphanie + Sophie 5 nov 2014

Saint-Jérôme, 6 novembre 2014. Une quarantaine de personnes en provenance d’organismes communautaires membres du ROCL venues d’aussi loin que Ferme-Neuve et Nominingue étaient présentes pour demander à l’Agence de la santé et des services sociaux de reconduire le cadre régional d’application du programme de soutien aux organismes communautaires pour les cinq prochaines années. Plus de 70 organismes ont transmis au PDG et aux membres du  C. A. une lettre qui expliquait leur demande. Les organismes craignent la perte de l’outil de répartition des subventions dédiées à leur mission. En effet, ce document de l’Agence balise clairement les budgets de base nécessaires pour chaque type d’organisme autonome en santé et services sociaux. Un tel cadre existe depuis plus de 15 ans et a résisté aux changements de structures en 2003. « Alors que la plupart des organismes ne reçoivent encore qu’une portion des budgets de base reconnus par l’Agence, parfois 25%, parfois 75%, c’est très variable, la restructuration proposée par le ministre de la santé met en péril tout le travail accompli par la région. C’est pourquoi nous demandons à l’Agence de le reconduire dès maintenant et pour 5 ans! » a expliqué Stéphanie Gaussirand, présidente du ROCL, lors de la réunion du 5 novembre.

Refusé pour une question d’éthique

Or, le C. A. de l’Agence a refusé de reconduire cet outil. «Nous devons nous garder un devoir de réserve, c’est une question d’éthique pour les instances qui nous suivront» a justifié monsieur Jean Poitras, président. Rappelons que l’Agence est appelée à être fusionnée avec 11 autres établissements pour former une seule méga structure en avril 2015 dans la foulée du projet de loi 10 du ministre Barrette.

D’autres agences s’engagent auprès des organismes communautaires

Pour le ROCL, cette justification ne tient pas la route. « On ne comprend pas que l’Agence ne puisse assumer la pérennité d’un outil de qualité qui fait la fierté régionale. Des régions comme Lanaudière, Bas Saint-Laurent et Chaudière-Appalaches sont en train de négocier leurs propres cadres en s’inspirant notamment du modèle des Laurentides! En fait, l’Agence des Laurentides a le pouvoir et la latitude de protéger les principes convenus dans ce cadre, mais elle choisit plutôt de larguer les organismes. Nous nous demandons vraiment de quelle éthique parle monsieur Poitras pour justifier ce refus» se questionne Sophie Gilbert, porte-parole du regroupement, toujours en colère face aux explications boiteuses de l’Agence.

Une entente historique et respectueuse

Le cadre de financement des organismes communautaires existe depuis 1998, adopté par la Régie régionale de l’époque après 5 ans de négociations avec les organismes communautaires. Il assure une collaboration et une distribution équitable des budgets. « C’est plus qu’un outil administratif, le cadre garantit le respect de balises consensuelles. Comment serons gérés les 25 M$ de financement aux organismes sans cet outil ? Le saborder ouvre grand la porte à l’arbitraire et aux jeux de coulisses. Le maintenir est une question de saine gestion des fonds publics. » conclut Sophie Gilbert.