Lettre ouverte : Vivement un vaccin contre l’administratite!

L’administratite est une forme sévère de la maladie du gestionnaire. Elle prend la tête pour cible. Elle s’immisce dans votre cerveau et vous impose ses croyances sur sa propre importance. Dans le creux des vagues de COVID-19 flotte cette infection. Ses symptômes les plus communs sont le stress et la perte de sens.

Depuis le début de la pandémie, les organismes communautaires font des pieds et des mains pour s’ajuster et rejoindre leurs membres, de toute les manières possibles et imaginables. Sur la ligne de front entre les besoins des gens qui les fréquentent et les exigences sanitaires de la santé publique, la pression qu’impose la pandémie sur les organisations est grande. Elle change nos vies. Elle exige de nous énormément d’énergie et de vigilance. Les organismes communautaires sont sur le terrain pour limiter ses impacts psychosociaux dévastateurs. Le premier ministre les a même qualifiés d’anges gardiens au printemps dernier.

Pendant ce temps, l’administratite se répand…

Le gouvernement vient de décider d’imposer la tenue des assemblées générales à tous les organismes
communautaires d’ici la fin de l’année, ramenant ces moments de vie associative et démocratique à une simple formalité administrative. Or, ce n’est ni une formalité, ni simple d’organiser une assemblée des membres dans un contexte de pandémie. Cela prend énormément de temps et d’énergie et représente un défi logistique complexe. À l’aube d’une deuxième vague, l’écrasante majorité des groupes sur le terrain ne voient pas comment ils pourront rejoindre leurs membres de manière satisfaisante pour tenir une assemblée générale qui fasse du sens cet automne, qu’elle soit en personne ou en ligne. Bien que soutenant pour favoriser le télétravail, le virtuel a ses limites!

Cet exemple de décision gouvernementale qui pousse les organismes dans un entonnoir bureaucratique s’ajoute à d’autres vécus dans les derniers mois. Cet été, le gouvernement a demandé une reddition de compte impossible pour des montants reçus dans le cadre d’un fonds d’urgence au printemps dernier. Plusieurs responsables d’expériences des ces groupes se sont fendu les cheveux en quatre pour venir à bout de répondre adéquatement au formulaire de reddition spécifique pour ce fonds exigé par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), parfois pour quelques centaines de dollars.

Les organismes comprennent qu’ils ont des comptes à rendre avec les subventions reçues. Nous ne voulons pas nous défiler de nos responsabilités! La chose est que le gouvernement a considérablement alourdit le travail administratif des groupes depuis le début de la pandémie en mettant du plomb dans l’aile de ces anges gardiens qui ont bien mieux à faire que de la paperasse!

En ce qui a trait à l’obligation de tenir des assemblées générales, la Coalition des tables régionales d’organismes communautaires (CTROC) a proposé au MSSS que les documents de reddition de comptes annuels soient exceptionnellement adoptés par les conseils d’administration plutôt que par les membres en assemblée cette année avant d’être envoyés aux instances gouvernementales. Cela nous apparaissait être un bon compromis. La réponse a été un non catégorique.

Pourquoi s’en tenir à traverser collectivement une pandémie quand on peut se créer de la pression supplémentaire et foncer dans le non-sens en même temps? C’est ça la maladie du gestionnaire.

 

Benoit Larocque

Coordonnateur du ROCL