Réforme à l’aide sociale : la traque des pauvres se poursuit

JusticeSocialeLes stéréotypes sur les personnes qui bénéficient de l’aide sociale ont la couenne dure. On dit d’eux qu’ils sont des BS, alcooliques, malpropres, paresseux ou parasites et qu’ils coûtent une fortune aux contribuables… De généralisations abusives en étiquettes sclérosées, on n’a qu’à se promener un peu sur les blogues pour en apprécier la teneur. Ça goûte la bile et le ressentiment. Punching bag ou paratonnerre d’une colère populaire, les plus pauvres de notre monde sont aussi les plus détestés. Avec son projet de loi 70, le Ministre Sam Hamad en rajoute une couche. Rien pour aider à se sortir de la pauvreté ou même de l’enduit engluant des préjugés.

Afin de « briser le cercle vicieux de la pauvreté » le Ministre veut pousser les nouveaux prestataires d’aide sociale aptes à l’emploi à intégrer un programme d’employabilité. Selon lui, cela devrait permettre de sauver 50 M$. Ultimement, on veut forcer les prestataires à se trouver un « emploi convenable » (lire au salaire minimum) qui pourrait être jusqu’à 300 km de chez eux, sous peine de voir leurs prestations diminuer de moitié. Tout un progrès dans la lutte à la pauvreté! Pensez-y quelques instants. Vous vivez seul à Saint-Jérôme et vous avez 616$ par mois pour vivre. Vous devez vous trouver un emploi dans un rayon de 300 km, quelque part entre Sherbrooke, Québec, Gatineau et la Réserve Faunique de la Vérendrye! Si vous refusez ou ne trouvez pas de travail, vous devrez vous débrouiller avec 308$. Voyez-vous que vous n’êtes qu’à un cheveu de la rue? Voilà une solution simpliste à un problème dont les racines sont beaucoup plus complexes, n’en déplaise à ceux qui préfèrent se convaincre que la réalité se résume à quelques préjugés.

Le Ministre prépare son projet de loi pour « briser la culture de dépendance envers l’État » dit-il. Parlons-en de la culture de dépendance envers l’État. Qu’a-t-on dit aux dirigeants de Bombardier lorsqu’ils ont demandé au gouvernement de sauver sa CSeries? Parfait, voici 1,3 milliards de deniers publics. C’est 30 fois ce que compte économiser Sam Hamad avec sa loi 70! En plus, cette entente ne prévoit aucune clause de protection des emplois au Québec. Parlons-en de la culture de dépendance envers l’État. Dernièrement, la vérificatrice générale du Québec mettait en lumière que le Ministère de la Santé et des Services sociaux aurait versé 417 M$ en trop aux médecins. « Impossible de récupérer cet argent » clamait Philippe Couillard au lendemain de la publication de cette information. Par contre, pas de problème pour traquer les sans-le-sou. Souvenons-nous de cette mendiante qui s’est fait réclamer 25 000$ par l’aide sociale l’hiver dernier. Est-ce cela la saine gestion des fonds publics dont se targue le gouvernement? Aberrant!

Sam Hamad a raison, il faut briser la culture de dépendance envers l’État. Par contre, il se trompe de cible en visant les plus pauvres. Pendant que l’attention est détournée vers ces derniers, l’argent, lui, l’est vers les mieux nantis. Clairement, ceux qui siphonnent le plus les fonds publics et qui coûtent le plus chers aux contribuables ont déjà les poches pleines!

Benoit Larocque, Agent de liaison et de développement au ROCL

 

 

Loi 56 sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme : Le gouvernement fait un pas de côté

road-sign-63983_1920Saint-Jérôme, le 7 décembre 2015. Le 26 novembre dernier, le ministre Jean-Marc Fournier adressait une correspondance au Commissaire au lobbyisme du Québec dans laquelle il l’informait du report de la consultation sur le projet de loi 56. Il lui demandait alors de réaliser une étude sur les conséquences de l’assujettissement des organismes à but non lucratif (OBNL) à une telle loi.

Le ministre Fournier demande au Commissaire « d’échanger avec les représentants des divers OBNL pour bien saisir les difficultés qu’ils identifient et être en mesure de formuler des pistes de solutions qui pourront être présentées dans une étude exhaustive. » Rappelons que depuis le mois de septembre, le ROCL et les organismes communautaires de la région, ont interpelé les municipalités, les MRC, les députés afin de les mettre en garde sur les impacts de l’inclusion des organismes communautaires dans cette loi, en tant qu’OBNL. Jusqu’à maintenant deux MRC et huit municipalités de la région ont entendu le message et ont transmis des résolutions d’appui au ROCL et au Commissaire au lobbyisme pour demander le retrait des organismes communautaires du projet de loi 56.

« Pour le moment il n’est pas question de baisser la garde, il faut continuer à aller chercher des appuis auprès des différents élus. Ce projet de loi étant toujours sur la table, le gouvernement fait seulement un pas de côté. Comme le Commissaire doit réaliser une étude et définir des recommandations sur l’inclusion des OBNL au projet de loi, il faut voir à qui il s’adressera pour documenter son étude. Il existe environ 60 000 OBNL au Québec. Parmi ceux-ci, il y a 5 000 organismes communautaires qui sont déjà assujettis à une politique gouvernementale qui s’intitule l’Action communautaire : une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec. Celle-ci définit les principes de reddition de comptes, de transparence et de relations avec le gouvernement. Ce sont ces 5 000 organismes communautaires que nous voulons voir retirer du projet de loi. On ne peut pas les considérer sur le même pied d’égalité que l’Amphithéâtre de Québec, l’Association pétrolière et gazière du Québec, les Chambres de commerce, l’Association minière du Québec ainsi que de nombreuses autres associations qui représentent davantage des intérêts privés. Le bassin est très grand et surtout très varié pour mener une étude. Les enjeux peuvent être très différents selon le type d’OBNL » précise Linda Déry, coordonnatrice du ROCL.

Rappelons que la Loi sur le lobbyisme a été créée en 2002 à la suite du scandale des commandites afin d’encadrer les communications entre le secteur privé et les titulaires de charges publiques. À quels scandales les organismes communautaires ont-ils été mêlés ? « Au contraire, les organismes participent à dénoncer des scandales. Tous les jours, nous assistons aux retombées du travail des organismes communautaires. Ceux-ci, en plus de donner des services à une population souvent démunie, font de la défense des droits individuels et collectifs. Ils ont un rôle de transformation sociale, notamment par des représentations politiques qui visent à faire modifier des lois et des règlements qui pourraient accentuer les inégalités sociales. Ils sont loin d’être des lobbyistes pour obtenir des gains ou des lois de complaisance pour des intérêts strictement privés » conclut Stéphanie Gaussirand, présidente du ROCL.